LA PORTABILITE DE LA PREVOYANCE

La notion de prévoyance renvoie à la protection sociale complémentaire d'entreprise, communément appelée Mutuelle d'entreprise.

La protection sociale complémentaire d'entreprise permet la couverture des risques liés à l'incapacité temporaire de travail, à l'invalidité, au décès et ceux liés aux frais de santé.

La mise en place d'un système de prévoyance au sein d'une entreprise suppose, d'abord, un rapport bilatéral entre l'entreprise, qui s'engage à couvrir certains risques, et les salariés qui bénéficieront de la couverture.

Puis, pour que ce droit soit effectif, un contrat sera conclu entre l'employeur et un organisme assureur chargé de couvrir les différents risques.

Cette protection complémentaire peut naitre d'une convention ou d'un accord collectif, d'un référendum ou encore d'une décision unilatérale de l'employeur. L'adhésion des salariés au régime de prévoyance d'entreprise sera, selon les cas, obligatoire ou facultative.

Jusqu'ici la protection complémentaire d'entreprise était liée au statut de salarié. En effet, le régime de protection sociale complémentaire mis en place au sein d'une entreprise ne profitait qu'aux salariés (éventuellement à leurs ayants droit).

La loi Evin du 31 décembre 1989 permet, par exception, au salarié au chômage qui en fait expressément la demande, de bénéficier du maintien de la couverture complémentaire instituée dans son ancienne entreprise mais cette exception ne concerne que le volet santé (c'est à dire ce que l'on appelle communément la mutuelle). Le financement de ces garanties est alors mis à la charge exclusive du salarié, à compter de la rupture du contrat de travail.

L'évolution du schéma salarial, lié notamment à la mondialisation, à l'évolution des modes de production, de consommation et à l'émergence d'un chômage de masse a conduit à s'interroger sur le sort du salarié entre deux emplois. C'est dans ce contexte qu'a émergé le concept de flexi-sécurité.

Ce concept suggère un assouplissement des règles protectrices du droit du travail assorti d'un renforcement de la sécurité des salariés dits " en transition ", c'est-à-dire entre deux emplois.

C'est dans l'optique de sécuriser la situation des salariés que l'Accord National Interprofessionnel du 11 janvier 2008 sur la modernisation du marché du travail a prévu le principe d'une portabilité des droits de prévoyance. Un avenant du 18 mai 2009 a permis sa mise en place effective.

Que recouvre ce concept de portabilité et quelles en sont les limites ?

I. Nouveauté : le droit de la prévoyance devient portable

A. Le salarié au chômage pourra continuer à bénéficier de sa couverture complémentaire d'entreprise

Le principe de portabilité se distingue de la transférabilité. Il ne s'agit pas de permettre au salarié de conserver la protection sociale complémentaire dont il bénéficiait au sein de son ancienne entreprise vers la nouvelle mais de maintenir ces garanties pendant la phase de transition d'un emploi à un autre.

Il s'agit donc de maintenir à l'identique la couverture dont bénéficiait le salarié dans son entreprise durant la période de chômage.

B. Les conditions d'ouverture du droit à portabilité de la prévoyance

Les conditions tenant à la rupture du contrat de travail :

La rupture du contrat de travail doit, pour donner lieu au maintien de la couverture complémentaire d'entreprise, ouvrir droit, pour le salarié, à la prise en charge par l'assurance chômage. Ce qui signifie que le salarié doit avoir travaillé au moins 4 mois durant les 28 derniers mois (décret du 27 mars 2009 : R 5422-1 du code du travail) et que la rupture doit constituer une perte involontaire d'emploi. La démission du salarié ne permettra donc pas le maintien de ces garanties.

Dans le même sens, l'ANI prévoit que la rupture du contrat de travail consécutive à une faute lourde ne permettra pas au salarié de profiter de la portabilité.

Le salarié devra rapporter, à l'employeur, la justification de sa prise en charge par le régime d'assurance chômage et l'informer de la cessation du versement des allocations lorsqu'elle intervient en cours d'une période de maintien des garanties.

La condition d'ouverture des droits à prévoyance dans l'entreprise antérieure

Les droits à couverture complémentaire doivent avoir été ouverts chez le dernier employeur pour que le salarié puisse bénéficier de la portabilité de la prévoyance.

Cette condition conduit de fait à exclure certaines catégories de salariés du bénéfice de la portabilité. En effet, les entreprises subordonnent la plupart du temps l'adhésion au régime de prévoyance à une certaine ancienneté. Ainsi, les salariés embauchés en CDD de courte durée seront exclus.

Cette condition a pour conséquence d'exclure aussi du bénéfice de la portabilité, les salariés qui ont utilisé un cas de dispense autorisé par la circulaire du 30 janvier 2009 (salariés en CDD, ou encore ceux bénéficiant de la couverture de leur conjoint).

C. Les conditions du maintien des garanties

Le maintien des garanties est automatique et ne nécessite pas que le salarié en fasse la demande.

Il peut par contre refuser que lui soit appliquée la portabilité de la prévoyance soit en le notifiant à son ancien employeur dans les 10 jours de la rupture du contrat de travail, soit en refusant le paiement des cotisations relatives à la prévoyance.

Le maintien des garanties est un droit temporaire puisqu'il est instauré pour garantir un maintien de la couverture pendant les périodes de chômage Ce droit cesse donc dés l'embauche par un nouvel employeur.

Les droits sont maintenus pendant une durée égale à la durée du dernier contrat de travail dans la limite de 9 mois.

II. Modalités pratiques de mise en place de la portabilité de la prévoyance.

La mise en place de la portabilité de la prévoyance a soulevé certaines questions relatives notamment au financement des cotisations. L'ANI du 11 janvier 2008 et son avenant n° 3 du 18 mai 2009 ont donc envisager des systèmes de financement de la portabilité de la prévoyance.

A. Les modes de financement de la portabilité de la prévoyance

Pour que le droit au maintien des garanties soit effectif, il a fallu adapter et préciser ses conditions d'application et de financement. Il était initialement prévu qu'elles entrent en vigueur le 1er mai 2009 mais les difficultés pratiques de mise en ouvre ont contraint les partenaires sociaux à repousser, par avenant, sa date d'exigibilité. C'est finalement un avenant du 18 mai 2009 qui rendra l'obligation exigible à compter du 1er juillet 2009.

Le mode de financement de principe :
Il est prévu que le financement soit assuré conjointement par l'employeur et le salarié dans les conditions et proportions applicables aux salariés de l'entreprise.

Il faut noter une spécificité quant aux modalités de cotisation. Les cotisations dues par le salarié peuvent être appelées par l'employeur soit mensuellement comme c'est le cas pour les salariés de l'entreprise, soit en totalité au moment de la rupture du contrat de travail.

Dans cette hypothèse, le refus ou le non paiement de sa cotisation par le salarié libère parallèlement l'ancien employeur de son obligation de cotisation et entraine pour le salarié, la perte des garanties complémentaires.

Si le salarié dont les cotisations ont été appelées en totalité par l'ancien employeur à la rupture de son contrat de travail reprend une activité professionnelle, et recouvre alors de nouveaux droits de prévoyance complémentaire dans une entreprise, il devra demander à son employeur le remboursement du trop versé.

Le financement peut poser problème lorsque le régime était financé, non uniquement par les salariés et l'entreprise mais en partie par le Comité d'Entreprise. Si celui-ci décide de maintenir son financement pendant les périodes de portabilité, le problème est réglé et les cotisations seront supportées pendant cette période de la même manière qu'antérieurement. Si cependant il refuse de couvrir les périodes de portabilité, se pose la question de savoir qui en supportera le coût. La participation du CE doit-elle être assimilée à une cotisation patronale ou à une cotisation salariale ?

La possibilité de recourir au système de la mutualisation :
L'avenant du 18 mai 2009 prévoit qu'un système de mutualisation puisse être mis en place, plus seulement par accord collectif mais encore par décision unilatérale de l'employeur ou par accord référendaires.

Les partenaires sociaux ont choisi d'élargir le choix des mode de financement en offrant la possibilité d'instituer un mécanisme de solidarité des actifs de l'entreprise au profit des anciens salariés involontairement privés d'emploi.

Le système de mutualisation peut être mis en place par l'entreprise soit par le biais d'un accord collectif, soit par un accord référendaire, soit par une décision unilatérale de l'employeur.

B. Le sort fiscal et social des cotisations dues au titre du maintien des garanties de prévoyance

Dans un objectif d'incitation des entreprises à mettre en place des régimes de prévoyance, le législateur a prévu un mécanisme d'exonération plafonnée des contributions patronales.

En principe ces contributions versées en contrepartie de l'exécution du contrat de travail devraient être assujetties à des taxes fiscales et sociales.

Un certain nombre de conditions doivent être remplies pour pouvoir bénéficier de ces exonérations.

L'organisme assureur doit être habilité, les garanties doivent être mises en place par accord collectif, référendum ou décision unilatérale de l'employeur. Quant à la nature des garanties mises en ouvre, elles doivent être collectives et obligatoires. Les contributions patronales ne doivent, en outre, pas venir en remplacement d'un élément de rémunération supprimé. Les contrats de prévoyance doivent prendre en charge des prestations complémentaires à celles servies par le régime de base et respecter les obligations du " contrat responsable " c'est-à-dire un contrat prenant en charge des risques minimums et ne devant pas prendre en charge certains risques.

Des règles précises délimitent alors le sort fiscal et social des contributions au financement de régimes de prévoyance complémentaires, mais qu'advient-il des contributions liées à la portabilité ?

Une circulaire du 30 janvier 2009 du ministre des affaires sociales a répondu à cette interrogation. Elle pose un principe d'exonération plafonnée applicable aux financements des employeurs dès lors que le dispositif en bénéficiait avant la rupture du contrat de travail.

A noter que les salariés doivent être pleinement informés de ce mécanisme. Dans cet objectif, il est prévu que la notice d'information fournie par l'organisme assureur et remise aux salariés par l'employeur mentionne les conditions d'application de la portabilité.

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